La difficulté de l'enseignement supérieur à garantir le succès dans les études et l'employabilité des étudiants en situation de handicap (ESH) constitue un problème social et éthique qui focalise les politiques publiques sur les difficultés posées par le handicap. Dans l'enseignement supérieur français, les ESH sont accompagnés par des aménagements individuels pensés dans le contexte d'enseignements élaborés pour des étudiants ne présentant pas de handicap. La littérature scientifique commente largement les impacts positifs et les limites de ces aménagements, qui tendent à gommer l'effet du handicap. Dans cette étude, nous avons au contraire considéré que le handicap a la propriété d'être une source naturelle d'hétérogénéité au sein des cohortes d'étudiants, et qu'il pourrait dès lors être susceptible de créer des interactions fructueuses pour les apprentissages et l'édification personnelle des étudiants. Nous avons testé cette hypothèse au travers d'un questionnaire soumis aux étudiants et enseignants de l'Institut Villebon - Georges Charpak, un établissement accueillant en moyenne 19% d'ESH et proposant une pédagogie qui démultiplie les interactions entre étudiants. Nos résultats suggèrent que les interactions naissant spécifiquement au contact des étudiants ESH produisent naturellement un bénéfice collectif rejaillissant sur les enseignants et les étudiants ne présentant pas de handicap. Cette observation initiale ouvre de nombreuses pistes de recherche, portant d'une part sur la caractérisation de ces effets, et d'autre part sur l'invention de pratiques pédagogiques dans lesquelles le handicap n'est pas gommé mais, au contraire, considéré comme un point saillant d'un scenario pédagogique. Elle pourrait également être mise à profit pour changer le regard porté sur les étudiants en situation de handicap, et par les étudiants en situation de handicap sur eux-mêmes.